Un billet #7
Le piaf
Le piaf s'était posé sur la rambarde du balcon. Il était ébouriffé malgré son plumage clairsemé. C'était un jeune piaf, tout juste sorti du nid. Je le devinais à la couleur jaune vif du bord de son bec et à ses plumes éparses qu'il avait gonflées et parmi lesquelles on voyait, ici ou là, un duvet encore accroché. Il avait l'air fourbu. Peut-être était-il tombé du nid, ou avait-il pris son envol pour un baptême précoce. Il avait l'air contrarié et fatigué par son vol inaugural. Il semblait insatisfait de ces premiers instants d'indépendance, comme s'il prenait conscience maintenant qu'il aurait dû attendre encore un peu. Ce tout petit peu qui aurait fait la différence et lui aurait évité une situation de quasi détresse que je ressentais dans ses petits piaillements brefs. Il les balançait pour demander de l'aide aux seules présences qu'il connaissait jusqu'à présent, ses parents. Cela faisait dix minutes qu'il s'égosillait en envoyant ses petits cris mais il le savait maintenant. Ni son père ni sa mère ne lui apporteraient une aide. Il était prostré, et semblait attendre, sans savoir quoi, que quelque chose se passe.
Ce quelque chose apparut dans le choix du lecteur à donner suite à cette histoire.
Je m'approchai de l'oiseau et, en veillant à la délicatesse de mes gestes, le pris pour le déposer sur la table. Je lui confectionnai un nid, fait d'une boite de chaussures et de chiffons et lui préparai un mélange fait d'eau sucrée et de croquettes pour chats détrempées. Ce confort nouveau semblait le satisfaire et il me remercia par des petits cris que j'interprétai comme un remerciement. Mon chat, pas en reste d'un déjeuner sur pattes, d'un bel élan silencieux et souple, s'enfuit avec le petit animal soigneusement pris dans l'étau de sa gueule dont dépassaient les jeunes plumes naissantes, avant que j'ai pu esquisser le moindre geste de défense en faveur de l'oisillon.
La vie est parfois faite de situations que nous ne décidons pas et de hasards facétieux, auxquels il n'est souvent pas possible de trouver raison et que nous acceptons car ils font partie du chemin que nous avons l'illusion de tracer.