Pièce absurde en un acte

Pièce en un acte, quelques lignes et fantaisies


Dans le cabinet du président.

Sont présents le président, l'aide de camp, trois généraux.

L'ambiance est tendue. Tous sont assis autour d'une table de réunion. Les généraux uns ont des dossiers devant eux. Le président ne dispose que d'une feuille. L'aide de camp dispose d'une feuille identique, il tient un stylo à la main qu'il fait cliqueter nerveusement. Les généraux ont les mains posées sur la table et ont le regard tourné vers le président qui lit sa feuille. Tous attendent qu'il ait fini sa lecture.

Président : Mesdames et Messieurs, merci d'être présents. Ce que je lis ici est très fâcheux et pourrait constituer un problème dans les jours qui viennent. Il faut nous en débarrasser.

Général 1 : Du problème ou de l'homme ?

Président (excédé) : Débarrassez-vous de l'un et vous vous débarrasserez de l'autre.

Général 1 :C'est un fait.

Général 2 : Que pouvons-nous faire au juste ? Il semble que les griefs soient bien maigres. Quels sont nos reproches, exactement ?

Président : Aide de camp, répondez.

Aide de camp (toujours faisant cliqueter son stylo) : Et bien cette personne ne se montre pas vraiment coopérante. Nous pouvons même dire qu'elle résiste. Elle fait preuve de mauvais esprit.

Président : C'est à dire ?

Aide de camp : Elle discute !

Président : Les ordres ?

Aide de camp : Non, elle discute, elle pose des questions. Même elle s'insurge !

Président : Elle se révolte ?

Aide de camp (de plus en plus nerveux) : Non, on ne peut pas dire ça, mais elle contre-argumente.

Président : Pas bon ça, pas bon !

Général 2 : Elle contre-argumente sur quoi au juste ?

Président (s'adressant à l'aide de camp) : Et bien, répondez !

Aide de camp (mal à l'aise) : Elle contre-argumente sur nos arguments... Elle remet en cause le projet.

Président : C'est ennuyeux. Notre projet ne saurait être discuté. C'est un préalable incontournable. (S'adressant à tous) N'est-ce-pas ?

Tous acquiescent dans des hochements de tête et des répliques que nul n'écoute.

Président : Pour notre gouverne, pouvez-vous nous rappeler ce projet justement ? (L'aide de camp hésite) Et bien, répondez !

Aide de camp : C'est que...tout n'est pas encore ficelé. Nous n'en sommes pas encore au détail. A peine aux grands axes.

Président : Nous nous fichons des détails. Donnez nous au moins les lignes principales.

Aide de camp (gêné) : Elle sont encore en cours d'élaboration.

Président (troublé et tentant de reprendre la main) : Et il discute sur un projet qui n'est même pas encore né ! Pour qui se prend-il ? C'est inacceptable. (S'adressant à tous) Qu'en pensez-vous ?

Tous : C'est inacceptable !

Président : Bien, puisque nous sommes d'accord, nous devons prendre une décision.

Général 1 : Je propose un avertissement.

Général 2 : Ce n'est pas assez coercitif. Il faut plus.

Général 3 : Un blâme ?

Président : Tout cela est bien timide. Nous devons envoyer un signal fort. La force de ce signal aura des répercussions sur la perception qu'auront nos troupes sur nos choix et sur notre capacité à maintenir l'ordre. Nous devons montrer notre fermeté, il y va de notre crédibilité.

Général1 : Du projet ou de la coercition ?

Président (irrité) : A votre avis ? J'opte pour une éviction. Des objections ?

Tous se regardent, dans l'attente d'une réaction qui ne vient pas.

Président : Bien. Alors, procédons à l'élimination. Aide de camp, vous vous en chargez.

Aide de camp (faisant cliqueter son stylo) : D'accord. Quel motif dois-je invoquer ?

Président : Et bien, comme nous avons pu le voir, les motifs ne manquent pas : rébellion, insurrection, révolte, désobéissance. Les possibilités sont nombreuses.

Aide de camp : Humm...C'est ennuyeux, les mots sont forts, nous devons être attentifs à ce que l'on ne nous demande pas de prouver ce que nous invoquons comme raison.

Président : C'est votre travail de trouver les preuves !

Aide de camp : Et si nous ne les trouvons pas ?

Président : Alors fabriquez les !

Aide de camp : ce n'est pas si simple.

Président (franchement en colère) : Si ce n'est pas simple c'est que c'est complexe mais pas irréalisable. Quoi qu'il en soit, vous m'en séparez. C'est entendu ? Rébellion, révolte, subversion. Tous les motifs sont bons. Si ça ne marche pas, essayez la peste, le choléra, la grippe ou ébola. Mais balayez-moi ce problème avant que ça n'aille plus loin. Exécution !

Général 1 : A ce point ?

Président (hurlant) : Vous ne comprenez vraiment rien ! Dégagez du plancher. Vous reviendrez avec la solution.

Aide de camp (hésitant) : Sédition, ça ira ?

Président (éructant) : Sortez ! (tout le monde se lève dans un brouhaha de chaises et se précipite vers la sortie) Et arrêtez avec votre stylo !

Le président (seul) : Je vais défaillir !

© 2019 Pascal Deleu. Tous droits réservés.
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