L'épaisseur d'une vitre
L'épaisseur d'une vitre me sépare de l'horreur.
Pleuvent les bombes dans des gerbes de fer et de feu.
La poussière s'insinue dans mes narines, mes oreilles, mes yeux.
Je…
Je…
Je…
Je réalise. Enfin, pas tout à fait.
Une voix entêtante m'explique des choses que je ne comprends pas.
Elle cherche à mettre en mots ce qui est au-delà des mots.
Des morts, par dizaines. Mais chaque mort est unique car chaque vie est singulière.
Ils parlent en dizaines, unité de mesure bien pratique pour dénombrer les morts.
Certainement plus simple et bien plus court que de dire qui est chacun. Ils ont pris la peine de distinguer les enfants et les femmes dans leur décompte macabre. Pour les hommes, faire la soustraction.
Je suis à l'épaisseur d'une vitre de l'horreur.
Désolation. Destruction. Amas de béton.
Y a-t-il des vies là-dessous ? Des corps ensevelis ?
Ce que je ne vois pas existe pourtant au-delà de moi.
Je n'ai pas besoin de voir la mort violente pour en saisir l'horreur.
Au travers l'épaisseur d'une vitre.
Asnières sur Seine, le 15 novembre 2023