L'ordre des choses
Le type, là, on lui a donné un fusil. On lui a dit, tu seras fusilier. Il a dit d'accord et on l'a envoyé sur le front. Il a tiré et tiré, rechargé et encore tiré, sans compter. On lui a dit qui es-tu et il a dit je suis fusilier, alors, je fusille.
Le type, là, on lui a donné un canon. On lui a dit, tu seras canonnier. Il a dit d'accord et on l'a envoyé sur le front. Il a tiré et tiré, rechargé et encore tiré, sans sourciller. On lui a dit qui es-tu et il a dit je suis canonnier, alors, je canonne.
Le type, là, on lui a donné un avion. On lui a dit, tu seras chasseur. Il a dit d'accord et on l'a envoyé sur le front. Il a bombardé, bombardé, rechargé et encore bombardé, sans différencier. On lui a dit qui es-tu et il a dit je suis chasseur, alors je bombarde.
Le type, là, on lui a donné une mitrailleuse. On lui a dit, tu seras mitrailleur. Il a dit d'accord et on l'a envoyé sur le front. Il a tiré, et tiré, rechargé et encore tiré, sans discontinuer. On lui a dit qui es-tu et il a dit je suis mitrailleur, alors je mitraille.
Les généraux sont allés sur le front, pour regarder le fusilier fusiller, le canonnier canonner, le chasseur chasser, le mitrailleur mitrailler. Les généraux étaient contents parce que le fusilier, le canonnier, le chasseur, le mitrailleur avaient bien travaillé. Ensemble, ils avaient compté les soldats tués, les civils massacrés, ils trouvaient que c'était bien mais pas assez, alors, ils ont demandé de continuer. Le fusilier, le canonnier, le chasseur et le mitrailleur ont continué et quand les généraux sont revenus ils étaient contents mais ils trouvaient que ce n'était pas assez, alors, ils se sont un petit peu fâché et ils ont dit de continuer. Le fusilier, le canonnier, le chasseur et le mitrailleur ont continué de tuer et quand il n'y a eu plus personne à tuer, les généraux sont revenus et ont dit que le fusilier, le canonnier, le chasseur et le mitrailleur avaient bien travaillé et qu'ils pouvaient rentrer dans leur foyer se reposer.
Le fusilier, le canonnier, le chasseur, le mitrailleur sont repartis chez eux mais ils lorsqu'ils sont arrivés, tout était dévasté et ils ne reconnaissaient plus là où ils habitaient. Tout avait été rasé par des fusiliers, des canonniers, des chasseurs et des mitrailleurs.
De chaque côté, il n'y avait plus beaucoup de gens à tuer, alors, les généraux se sont retrouvés, quelques papiers ils ont signé, en promettant que plus jamais ils ne recommenceraient, parce que la guerre, c'est quand même pas joli-joli. Et pour sceller la nouvelle amitié, une bonne bouteille ont débouché, quelques toasts ingurgités et rien ne pouvait plus jamais arriver.
Le 03/04/2022