Un billet #23

Le greffier

Il était allongé à même le sol, sans plus de fioriture, mais dans l'élégance de sa posture et de sa nonchalance. Quand on est chat, on est chat, nul besoin d'être dans l'ostentation de la classe qu'on possède. Elle fait partie de l'identité de chat.

Sa respiration était lente. Il était avachi dans une zone au soleil qu'il avait délibérément choisie. Son sommeil semblait profond, même si, en observant l'animal, on pouvait voir ses oreilles montées sur un axe, s'orienter vers la source sonore qu'il cherchait à analyser. Parfois, une paupière s'ouvrait et laissait apercevoir un œil vert émeraude, fendu d'une fente rétrécie sur l'objet de sa curiosité. Le greffier était habillé de sa belle suffisance, un pelage roux soyeux, qui brillait sous les rayons du soleil caressant. Le matou était bien nourri. Sauvage ou domestiqué, il ne semblait manquer de rien. J'approchai et m'agenouillai. La bête redressa la tête, aux aguets, cherchant à comprendre mes intentions. Ses paupières s'ouvrirent, ses yeux étaient maintenant bien visibles et me fixaient. J'avançai le dos de la main prudemment, en direction de sa tête afin qu'il me renifle et comprenne que je ne cherchais pas l'affrontement. Son museau humide et froid se posa délicatement trois ou quatre fois à la recherche d'une odeur connue ou nouvelle. J'attendis qu'il finisse son exploration olfactive et déplaçai la main vers le sommet de son crâne. D'abord craintif, détournant la tête, il semblait maintenant apprécier la caresse appuyée entre les oreilles. J'osai descendre ma caresse le long de l'échine. Je sentais les muscles du dos se tendre et les pattes se mettre en tension telles des ressorts prêts à exploser. C'est à ce moment précis que d'un coup de patte rapide, il vint percuter la main qu'il trouvait certainement trop entreprenante. Il ne sortit pas les griffes, ce dont je lui fus gré, mais aussitôt après, il écarta ses coussinets, laissant apparaître cinq griffes recourbées et aiguisées comme des rasoirs.

Je compris qu'il me disait de le laisser tranquille, au risque, après cet avertissement amical, d'avoir à faire avec ces lames menaçantes.

Je me levai, précautionneusement, en laissant le greffier à sa tranquillité solitaire que je n'aurais pas dû troubler.


© 2019 Pascal Deleu. Tous droits réservés.
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