La wassingue
C'est un objet bien étrange que la wassingue. Bien qu'elle ressemble comme deux gouttes d'eau, si je puis dire, à sa sœur la serpillière, il ne s'agit pourtant pas du même objet.
Carré de tissu tressé de gros fils, elle semble effectuer les mêmes tâches, remplir le même usage, celui de laver le sol, accrochée au balai qui la dirige habilement dans les recoins les plus inaccessibles.
Comme son fac-similé, sa couleur grise ou délicatement bleutée ne peut être confondue avec d'autres pièces, même rugueuses, destinées à l'habillement. Elle sert à laver et c'est bien ainsi, réduite à cette fonction simple, nécessaire et dérisoire.
Vêtue de sa simplicité, elle n'a comme seule vantardise à afficher que son nom.
Tantôt prononcée vassingue, parfois ouassingue, elle joue de son ambigüité phonétique, c'est sa coquetterie, une distinction affichée en trophée au revers du veston.
Sa prétention, elle la tient de cet attribut étrange, quasi exotique, elle en fait ses lettres de noblesse, son particularisme teinté d'un provincialisme fier.
Fossile linguistique bien vivant, la wassingue n'accepte pas d'être serpillière, elle ne tolère pas son accoutrement vulgaire. Elle refuse la soumission à l'unification de la langue.
La wassingue se brandit en étendard de fils épais tissés, fière de son origine et de son identité.
Asnières sur Seine, le 29 janvier 2023