La ligne rouge
La ligne rouge file sur le sol.
Parfois ligne droite, elle évolue en boucles plus ou moins serrées, plus ou moins longues, pour repartir, à la sortie de l'une d'entre elles, décidée à s'enfuir et me précéder.
Moi, envieux de cette fuite, je l'écrase de mes pas, suivant le ruban pourpre, évitant de trébucher, d'un côté ou de l'autre de la ligne.
L'exercice est périlleux.
Qui serais-je de ce côté,
Quel autre de cet autre ?
Je maintiens l'équilibre,
Soucieux de ne pas vaciller, au risque de poser le pied sans vouloir choisir.
La ligne court devant moi,
Elle s'éloigne,
Je la poursuis,
Veillant toujours de ne pas glisser et de ne pas dévier.
Soudain, elle s'arrête.
Là, devant moi, une guérite se dresse, zébrée de noir et blanc.
La ligne rouge s'y est réfugiée et semble figée à jamais dans l'ombre, dans l'attente d'un événement devant survenir.
J'aimerais continuer, mais que faire devant tant de détermination à l'immobilisme ?
De la guérite, tapi et invisible, s'extrait un homme en arme. S'adressant à moi dans une langue lointaine, je comprends qu'il s'inquiète du côté d'où je viens. Désignant de son arme, un coup, le versant droit, un coup le pendant, je lui réponds, le cœur sautillant que je suis sur la ligne et n'en bougerai pas.
Fou de rage, vociférant, tremblant, il arme son tromblon, vise ma poitrine,
Propulse un frelon métallique qui me traverse le torse.
Ainsi, je suis mort.
De n'avoir pu choisir
Le côté d'où je venais.
Colombes, le 8 novembre 2022