Journal de coupe du monde 2014 - Extrait

Un petit jeu auquel je m'étais plié avec moi-même, le temps de la coupe du monde 2014. Écrire le journal de cette coupe du monde, vue par un candide et un novice en technique et connaissances footballistiques.

Extrait 

Seizième jour.

Ça va, vous suivez toujours ? Deux chroniques aujourd'hui pour rattraper deux jours d'absence, une postée ce matin, la deuxième ce soir, retard comblé, la boucle est bouclée. Donc jeudi. Le décor s'est installé peu à peu dans les rues. Quelques drapeaux sortis aux fenêtres, aux devantures des magasins, des passants, jeunes pour la plupart, sortis avec drapeaux autour du cou ou en bandeau au front, des conducteurs de scooter, drapeaux fixés aux rétroviseurs, le tableau se met en place. Du coup, je me dis, première fois, je l'avoue depuis le début de la compétition : pourquoi pas ? Pourquoi pas se farcir cet Algérie - Russie, tant je sens qu'il va apporter du spectacle, pas forcément dans le match mais sûrement dans la rue. Proposition correcte et honorable à une amie. On y va ? D'abord terrasse de restaurant, puis, après avoir longtemps patienté, direction la salle et ses écrans gigantesques. Mais au bout d'une vingtaine de minutes d'attente, le compte n'y est pas. Il manque un élément essentiel : l'ambiance. Pas envie de cette froideur et de ce brouhaha de fonds de salle, entre cliquetis des couverts, conversations entremêlées, vaisselle entrechoquée. Non, ça ne va pas. Du coup, un coup de téléphone à une amie (une autre) pour tout changer. Demander l'asile sportif, l'accueil et l'hospitalité pour céder à cette première : regarder un match entier, d'avant le coup d'envoi au coup de sifflet final. Nous voilà partis, la liesse augmente, télés allumées dans les sandwicheries, supporters vêtus des maillots de circonstance, klaxon timides mais présents, la tension monte, l'ambiance est bonne enfant. Passage par l'épicerie du quartier, achat de quelques victuailles essentielles, pas de bière s'il vous plait, je sais, il y a faute. Accueil chaleureux, chaussures à l'entrée, faut se mettre à l'aise, pain toasté vite fait, installation dans le canapé. Ça peut commencer. C'est sûr, se prendre un but dans les six premières minutes, avoir un joueur blessé juste avant, c'est pas terrible pour envisager la vie sereinement. D'autant que les russes n'ont pas laissé beaucoup d'ouverture et de champs libre en première mi-temps. Mais n'oubliez jamais, un match de foot, c'est quatre-vingt dix minutes, plus les arrêts de jeux éventuels - voilà l'explication pour la quatre-vingt onzième. Désespoir dans les rangs, entre mon hôte abattue, ma voisine mutique. Me voilà obligé de regonfler les troupes, d'endosser le rôle d'entraîneur de salon, de coach de la tartine, de leader de l'équipe algérienne. Nous voilà repartis, sinon pour la victoire, au moins pour le match nul qui serait salvateur. Et enfin ! Délivrance ! On y est ! On est en huitième ! Mais avant, il va falloir tenir, pousser et tenir. Trente minutes, C'est long. Mes voisines sont au bord de l'asphyxie et même pas de défibrillateur sous la main. Les russes mettent leurs force dans le jeu, les algériens sont sous pression mais ne flanchent pas, pas comme mes deux voisines, ça tient, ça tient toujours, ça se bat, ça ne lâche rien, prières en direct sur des visages fermés, hypnotiques, le gardien fait du bon boulot, de l'excellent boulot et au bout du bout des quatre minutes d'arrêt de jeu, c'est la VICTOIRE!!! Nom de dieu, non de dieu, on y est, on est en huitième. Explosion de joie, congratulations, larmes à la télé, larmes là-bas très loin, les klaxons commencent ici, dans la rue, quelques pétards et fusées, cris et boucan d'enfer. Nous partons, merci à demain, nous voilà dans la rue. Le quartier est en vie, à minuit bien plus qu'à midi, ça roule vite, on crie, les bagnoles foncent, drapeaux au fenêtres, drapeaux dans les mains, agités, secoués, rires, percussions, joie. L'Algérie en huitième, c'est historique et ça se fête comme l'histoire le demande. Je raccompagne l'amie et je rentre chez moi, même liesse sur le chemin, toujours les drapeaux, toujours des vrombissements, des cons qui font les cons, partout la même joie de la victoire, du bruit, c'est la fête nationale avant l'heure, en mieux. Jamais autant qu'aujourd'hui, je n'ai ressenti l'histoire partagée entre France et Algérie. N'en déplaise à ce journaliste fiévreux et éructant, malade de son petit enfermement intellectuel étriqué, pauvre hère perdu à la pensée raccourcie, l'Algérie est en huitième et et son public nous offre de sa joie comme un cadeau en retour. Je vous le dis, aujourd'hui, l'Algérie est déjà en finale. A suivre...

* Un grand merci à Farida, pour son accueil d'un soir !

© 2019 Pascal Deleu. Tous droits réservés.
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